Laurence Courto

“peintures, dessins”

 

du 19 mars au 7 avril 2012

 from 19 march to 7 april 2012

PUISSANCE RUPESTRE DE LA PEINTURE

Chez Laurence Courto l’oeil ne commande pas. Ni la main, ni l’intellect, ni l’inconscient, ni une tradition plastique immergée et ressurgie mais tout à la fois. L’ensemble entre en fusion dans l’intervalle du vide et l’énergie de la matière. Chaque tableau ou dessin s’impose comme un événement plastique impromptu mais décisif. Il met en œuvre matière et manière dans ce qui semble le fruit d’un tremblement mais qui de fait ne doit son existence qu’en un acte de pure autorité.
En « grattant » de différentes manières la peau de ses supports qu’elle prépare à dessein Laurence Courto crée incisions et stigmates afin d’ouvrir à une mémoire ancestrale qu’à divers langages. Elle interroge aussi sur les conditions d’existence de la peinture, ses chances de survie dans une vision rupestre  dépouillée mais qui rend propice à l’inscription du signe humain en biffures et collages.
Le travail de la matière garde vivante une trace « lacérante », insidieusement érosive parfois en creux mais parfois en reliefs. De griffures en griffures, l’élucidation d’un sens surgit jusque dans ce que Laurence Courto semble effacer. L’exaltation d’une béance, l’impénétrabilité d’une paroi ouvrent plus sur une évidence qu’une incongruité. Neutralisant le spectaculaire l’artiste crée un espace sensible, poignant.

L’exercice d’une forme d’oblitération crée sur la surface un corpus de signes premiers.  Sur le marouflage il ne reste que des graffiti afin de concentrer l’énergie qui rapproche le plus intime de soi loin de toute narrativité. Une telle approche exerce forcément sur l’esprit une fascination puisqu’elle met en présence d’une proximité interne mais aussi de signes immémoriaux.
La toile prend l’aspect d’un pan dégradé et usé mais qui semble d’autant plus vivant qu’il est attaqué, corrodé comme s’il respirait par ses blessures ou comme si  une sorte de  lèpre ou du salpêtre était la matière du tableau.  Graffiti, traces, glyphes, n’accueillent le signe qu’insidieusement altéré, frappé  d’une attente.

La violence de la trace est chaque fois analysée dans un long travail de réflexion.

L’œuvre atteint par l’énergie concentrée le plus neuf comme le plus archaïque.  Du support au signe, de la matière à ses formes se créent des relations prégnantes par cette approche qui joint la pure agression à la lenteur scrupuleuse.

Laurence Courto nous fait en conséquence  participer à une expérience limite de la peinture.  Celle-ci est mise en question mais reste la seule réponse. Chaque œuvre se dresse contre le vide mais le vide s’adosse à elle en ce jeu d’éloignement et de proximité.   Jean-Paul Gavard-Perret